Faire de l’inclusion ou être inclusif ?


Une question pour aider l’équipe du CAMSP Janine Lévy à réfléchir

Une intervention de Charles Gardou lors de notre journée Ariane du 13 mars 2023 au CAMSP Janine Lévy

Le CAMSP Janine Lévy organise quatre journées institutionnelles par an nommées Ariane. La locution nominale « fil d’ariane » fait référence au mythe de l’antiquité selon lequel Ariane donna à Thésée un fil pour qu’il ne se perde pas dans le labyrinthe du Minotaure et qu’il puisse en trouver la sortie. Dans la mesure du possible, nous invitons des intervenants pour qu’il tire le fil conducteur d’un sujet.

Ces journées Ariane sont préparées par des membres volontaires de l’équipe. Le sujet retenu du 13 mars 2023 était l’inclusion. Cela fait partie de nos missions mais nos expériences et le point de vue des parents font ressortir d’une manière générale, des interrogations et des besoins d’ajustement.

Nous avons recherché une personne dont l’intervention porterait sur la contextualisation, le sens, les enjeux du mouvement inclusif et les engagements souscrits par notre pays au travers de la ratification de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation de handicap. Elle constituerait en quelque sorte la toile de fond anthropologique et philosophique pour penser en équipe, la place des enfants que nous accueillons au CAMSP et plus largement la manière dont nous pourrions par nos pratiques contribuer davantage ou autrement à l’inclusion .

Charles Gardou, anthropologue et professeur des Universités, auteur de nombreux ouvrages, dont La société inclusive, parlons-en ! et, tout récemment, La fragilité de source, a fait part de son plaisir particulier à intervenir au CAMSP Janine Lévy, notamment en ce que Roger Salbreux et Janine Lévy, tous deux inspirateurs des CAMSP, ont marqué sa pensée.

Le risque, montre-t-il d’emblée, est de nous laisser entraîner par les mots ou de les laisser penser à notre place. C’est par un retour à leur sens profond qui permet d’ajuster la pensée et l’action. Ainsi, le terme inclusion, qui s’est substitué à celui de l’intégration, n’est pas sans poser problème. Son usage dans divers champs renvoie à un élément étranger mis dans un ensemble auquel il n’appartient pas et dont il est susceptible de perturber les propriétés. Aussi apparaît-il inapproprié de parler, comme il est fait couramment, d’« un enfant en inclusion », donnant à penser qu’il est étranger, extérieur, potentiellement perturbant et qu’il relèverait d’une extériorité de nature.

Or, il n’y a qu’une intériorité, par naissance même. Quels que soient les aléas du commencement ou du cours de sa vie, chaque enfant est « inclus » dans la Cité humaine. Il procède d’une tradition humaine à la fois biologique et culturelle. Son titre généalogique fonde sa légitimité à bénéficier de sa part des biens et du corpus de droits communs, avec les devoirs afférents.

De manière plus ou moins déguisée, la représentation, culturellement construite, d’un « dedans » et d’un « dehors », donne à certains enfants le sentiment d’une extériorité originelle à la famille humaine, qui ne serait pas naturellement la leur.

En réalité, il s’agit moins de les inclure, parce ce qu’ils seraient par nature exclus, que de ne pas les exproprier et les déshériter. Voilà ce qui mérite de guider la pensée et l’action

Pour Charles Gardou, seul l’adjectif inclusif fait sens en ce qu’il s’oppose frontalement à exclusif, invitant à combattre toutes les formes d’exclusivités persistantes. Une école inclusive s’oppose à une école exclusive.

En un temps où l’on assiste à des formes de captation de biens collectifs, Charles Gardou souligne que la société est un patrimoine commun dont chacun hérite par naissance.

Et c’est, dit-il, les yeux tournés vers ceux qui vivent le handicap au quotidien que l’on peut prévenir une vision catégorisante, généralisante pour apporter une réponse ajustée à la singularité de chaque enfant. Avant de compter le nombre d’enfants en inclusion, demandons-nous si la classe, les méthodes, la pédagogie sont inclusives. Faute de quoi, l’inclusion risque de n’être qu’un enfermement.

Ces apports alimenteront à n’en pas douter les réflexions de tous ceux qui y porteront une oreille attentive et font écho aux orientations du projet associatif de l’Entraide qui reconnaît à chaque personne sa place de citoyen et entend contribuer à une société inclusive.