Ce mercredi 25 septembre, à l’espace Reuilly dans le 12ème arrondissement de Paris, a eu lieu notre colloque “La place du sport dans les établissements du médico-social, du social et du sanitaire”. Préparé et organisé par différents acteurs de l’association, professionnels comme administrateurs bénévoles, cette manifestation a vu différentes personnes exposer et débattre sur la scène : médecins, éducateurs sportifs, étudiants, universitaires, directeurs d’établissement et professionnels ont fait de cette journée un moment de partage d’informations, de démonstrations et de témoignages, tous aussi surprenants les uns que les autres. Une belle réussite collective et motivante !
Notre colloque était organisé autour de trois tables rondes.
A l’image de l’Entraide Union, les participants incarnaient la diversité des parties prenantes de notre association : un administrateur bénévole en animateur, des partenaires partageant nos valeurs, des chercheurs pour éclairer nos réflexions et bien sûr des professionnels et des usagers pour illustrer chaque thématique.
En écho à notre projet associatif, les thématiques justement couvraient une bonne partie de nos champs d’intervention.
Le sport, vecteur de santé. De plus en plus diffusé dans la population générale, c’est une réalité depuis longtemps dans les établissements médico-sociaux, à l’instar du quotidien de la MAS Lucie Nouet.
Le sport, vecteur d’inclusion. Pour dépasser l’épithète scolaire et ramener l’esprit même d’inclusivité, et faire des plus vulnérables des membres à part entière d’une communauté humaine dans toutes ses dimensions. Pour faire société. Une société qui intègre les personnes vivant avec un handicap avec le sport comme moyen de transcender les difficultés comme nous l’a raconté Dominique.
Le sport, outil d’accompagnement. Une des couleurs de la large palette dont se servent les équipes de l’Entraide en s’adaptant à chaque individu et à chaque histoire singulière, comme celle de Yacine du DITEP Paul Mourlon dont le parcours s’est éclairé avec la perspective d’une profession sportive ou celles des jeunes relevant de la protection de l’enfance à la MECS de l’Entraide Allier.
Analyse et pragmatisme ; sérieux et émotion ; engagement et professionnalisme se sont succédés et répondus dans les propos des intervenants. Tous réunis autour d’une fierté commune et une activité universelle : celle d’un corps complice de son épanouissement personnel et collectif, notre colloque méritait, sans nul doute, la labellisation Grande cause nationale.
Ci-dessus à gauche Alain Girard, président de l’Entraide Union, à droite Annabelle Zimmermann, directrice générale
La danse de Lucie Nouet
Nikolaï Rimski-Korsakov a écrit “le vol du bourdon”, Aram Khatchatourian “la danse du sabre” et ce 25 septembre les éducateurs et moniteurs de la MAS ont exécuté devant nos yeux ébahis “la danse de Lucie Nouet”.
En réalité, sur des tatamis fraîchement étendus sur la scène de l’espace Reuilly, s’est déroulée une composition sportive soigneusement préparée par Damien Antoine, éducateur sportif et Alexandre Faure, référent LSF (les deux sourds). Ces deux professionnels de l’aide à l’accompagnement mais aussi deux judokas passionnés, ont eu cette idée de faire accomplir à Frédéric et René-Tran, résidents de la MAS Lucie Nouet, non voyants et malentendants, des prises de judo dans un espace aussi restreint que sécurisé par leur présence attentive.
Ces quatre compères se sont alors mis en mouvement progressivement. Tout d’abord à travers des exercices d’échauffement, principalement la fameuse “roulade” qui permet à tout judoka amateur, très tôt, de savoir tomber en n’importe quelle occasion (l’auteur de ces lignes en a souvent témoigné lors de descentes VTT sans bobo). Et puis, sans autres bruits que les manifestations d’émotion de Frédéric et René-Tran, devant une assistance silencieuse, les combats virtuels se sont mis en route. Le judo a surgi des tapis ! D’abord O-soto-gari, le “croc en jambe”, première prise de judo, puis Ippon seoi nage ou première d’épaule. Chaque mouvement a d’abord été “répété” par les éducateurs, puis réalisé par Frédéric et René Tran, dont la joie était communicative.
C’est le défi que se sont lancé ces deux ceintures noires : faire connaître la joie d’un sport complexe à deux êtres humains que d’aucuns ne croiraient pas capable de s’en approcher.
Et Lucie Nouet, enseignante et grande figure de l’Entraide Universitaire, a dansé ce mercredi !
La force de Ninon
Ninon Forget, grand témoin de la journée, a permis par son témoignage de faire le lien entre tous les sujets abordés lors des tables rondes. Grande sportive depuis sa plus jeune enfance, Ninon pratiquait l’équitation à un niveau élevé et allait de compétitions en compétitions.
En 2020, à l’âge de 18 ans, elle a subi un accident de cheval qui l’a rendue aveugle. Des mois de rééducation et de réparation faciale suite aux dizaines de fractures qui ne l’ont pas empêché de remonter à cheval, sa passion, mais aussi de continuer ses entraînements de haut niveau. C’est une jeune femme pleine de vie que les participants ont pu écouter avec beaucoup d’attention et d’émotion.
Elle est revenue sur les difficultés qu’elle a rencontrées pour continuer à pratiquer notamment le saut d’obstacles en milieu ordinaire, mais c’était sans compter sur sa résilience et sa motivation. Avoir un accident aussi lourd l’année de son baccalauréat ne l’a pas non plus empêché de l’obtenir avec mention et de s’inscrire à la faculté pour poursuivre son cursus, entourée de ses amis et sa famille qu’elle remercie sans cesse pour leur soutien.
Et puis, « devenir aveugle m’a aussi ouvert à des activités que je ne connaissais pas, comme le para-dressage ! Ce qui prouve que la vie amène toujours aussi des choses positives dans l’adversité ! ». Un modèle pour beaucoup, que nous ne manquerons pas de suivre à Los Angeles pour les prochains Jeux Olympiques qu’elle a bien l’intention de concourir !
Bouge chaque jour
Au-delà des sujets abordés sur les tables rondes, qui ont pu chacun être approfondis par les intervenants, il fut beaucoup question de l’activité physique pratiquée au quotidien.
Les nombreuses prises de paroles ou même mises en situation dans les établissements qui ont été présentées, montrent en effet que le plus important pour rester en bonne santé et se sentir bien dans son corps passe par la pratique quotidienne d’une activité physique aussi minime soit-elle, si elle reste régulière. Une sortie en forêt, des petits parcours de marche et obstacles sur tapis, ou encore des pauses actives proposées par les étudiants présents de l’ANESTAPS ont permis cette prise de conscience pour beaucoup de participants !
Il n’est pas toujours nécessaire d’investir dans de grands dispositifs ou matériels pour bouger au quotidien. Le docteur Marie-Pierre Ledu-Ajavon, administratrice à l’Entraide Union, l’a d’ailleurs bien résumé : « Prenons les escaliers plutôt que l’ascenseur et à moins de 1km, on ne prend pas sa voiture pour aller acheter son pain ! » a-t-elle conseillé aux participants. Pour les personnes en situation de handicap, notamment celles en fauteuil, cette pratique quotidienne est nécessaire pour que les muscles ne s’engourdissent pas trop, ont voulu aussi témoigner les éducateurs présents.
Et puis, quoi de mieux que la labellisation de grande cause nationale obtenue par l’Entraide Union pour ce colloque pour le répéter : « Bouge chaque jour ! ».
Faisons en sorte individuellement et collectivement que ce ne soit pas qu’un slogan ! Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières…
Des projets innovants et inspirants présentés à l’occasion d’une remise des prix !
A l’issue des échanges, l’Entraide Union a souhaité mettre en lumière des initiatives de ses partenaires qui contribuent à développer la pratique sportive dans les secteurs du médico-social et du sanitaire lors d’une remise de prix ! Le but étant d’illustrer par des exemples concrets des actions qui répondent aux besoins et enjeux évoqués plus tôt dans la journée, tout en valorisant ceux qui les initient.
Ainsi, lors de l’inscription, chaque participant a eu l’opportunité de partager en quelques lignes un projet sportif qu’il porte ou qu’il voudrait développer dans le futur. Après une sélection réalisée par un jury interne, trois projets ont été retenus et défendus sur scène :
Premier Prix : ODA Vélo Club (Oeuvres d’Avenir)
Présenté par : Laurent CAJAZZO, éducateur spécialisé au sein de l’EAM BERGUNION, (Paris 14ème), et membre du bureau du Club.
Projet : Création d’un club de vélos adaptés pour permettre la pratique régulière du vélo de loisir adapté pour les personnes en situation de handicap sur tout le territoire parisien.
Le Club est ouvert à tous : résidents de tous les établissements médico-sociaux, toutes les associations et aux cyclistes amateurs parisiens intéressés. L’objectif est de proposer régulièrement des rencontres avec d’autres cyclistes à l’occasion de journées ou séjours thématiques relatives au vélo, en lien notamment avec la dynamique des Jeux olympiques/Paralympiques de Paris 2024 et avec d’autres initiatives et manifestations sportives locales.
Deuxième prix : Collaboration entre l’IMPro Roger Lecherbonnier (PEP 91) et Special Olympics
Présenté par : Gladis Cyrille, enseignante en sport adapté à l’IMPro Roger Lecherbonnier
Projet : Présentation du travail réalisé depuis 20 ans par l’IMPro Roger LECHERBONNIER de Palaiseau avec Special Olympics : participation régulière et récurrente aux divers jeux mondiaux avec plusieurs disciplines telles que le ski, le football ou encore le bowling. Plus récemment, lors des jeux mondiaux de Berlin en 2023, l’équipe de l’IMPro a représenté la France en hockey sur gazon et s’est classée en troisième position !
Le travail de Special Olympics a pour objectif de changer le regard de la société sur le handicap mental, notamment en développant la pratique des activités physiques et sportives adaptées vectrice d’inclusion sociale et d’épanouissement pour les personnes ayant un handicap. Pour cela, le mouvement s’associe à de nombreuses structures telles que l’IMPro Roger Lecherbonnier.
Troisième prix : Destination bouge ton boule !
Porté par : Daley-Vanh Sounaphong
Projet : Forte de plus de 10 années d’expérience en santé mentale et en activité physique adaptée, Daley-Vanh propose des conférences/spectacles immersifs pour sensibiliser tous types de public aux effets bénéfiques de l’activité physique, notamment pour les personnes en situation de handicap. Elle utilise à la fois le récit d’aventure et l’imaginaire burlesque qu’elle mêle à des exercices physiques pour aborder ces thèmes de façon ludique et engagée.
Tout au long des présentations, les porteurs de projet ont décliné leur parcours personnel ainsi que le processus de développement de leur projet : les éventuels freins et difficultés rencontrées, les objectifs atteints, les bonnes pratiques et surtout les nombreux bénéfices constatés sur les personnes qu’ils accompagnent !
Suite aux présentations, les porteurs de projets se sont vu remettre un diplôme ainsi qu’une œuvre par les trois administrateurs de l’Entraide Union qui avaient précédemment animé les tables rondes. Les diplômes ainsi que les œuvres ont été créés par les artistes de l’Atelier A92 de l’ESAT Camille Hermange, que les organisateurs remercient chaleureusement !
Présentation PowerPoint, fil rouge de la journée
Programme de la journée
9h00 |
Café d’accueil |
9h30 |
Ouverture et présentation de la journéeAlain Girard, président de l’Entraide Union et Annabelle Zimmermann, directrice générale |
10h00 |
Table ronde n°1 : le sport, vecteur de santéAnimation : Dr Marie-Pierre AJAVON-LEDU, administratrice de l’Entraide Union |
10h50 |
Démonstration de judo par des usagers de la MAS Lucie Nouet |
11h20 |
Pause active avec les étudiants de l’ANESTAPS |
11h50 |
Table ronde n°2 : le sport, vecteur d’inclusionAnimation : Laurent FORGET, administrateur de l’Entraide Union |
13h00 |
Pause déjeuner |
14h15 |
Prise de parole du grand témoin Ninon FORGET cavalière de haut niveau en para-équitation |
14h50 |
Table ronde n°3 : le sport, outil d’accompagnementAnimation : Alain AMATE, vice-président de l’Entraide Union |
16h15 |
Pause active avec les étudiants de l’ANESTAPS |
16h35 |
Remise des prix pour les projets sportifs |
17h05 |
Clôture par Alain Girard, président de l’Entraide Union, |
Portfolio
Les actes
Alain GIRARD, président de l’Entraide Union souhaite, après les Jeux paralympiques, revenir à la réalité du sport dans les activités de l’Entraide Union, d’où l’organisation de ce colloque avec tables rondes, témoignages et remise de prix. Bien sûr, le sport ne sera pas envisagé sous l’angle de la performance, mais de l’aide à la santé, de l’inclusion et de l’accompagnement. Il s’agira également de réfléchir à la façon de mettre en œuvre des dispositifs qui permettront aux établissements d’accompagner au mieux l’inclusion, notamment dans le sport. M. GIRARD est convaincu que les supports sont nécessaires, et souhaiterait que certains établissements de l’Entraide Union se transforment en plateformes d’aides à l’inclusion, pas uniquement en matière scolaire mais, plus largement, en termes de citoyenneté pour tous.
Annabelle ZIMMERMANN, directrice générale de l’Entraide Union est très heureuse de présenter le programme de la journée, avec 3 tables rondes dont les titres font directement écho au projet associatif et aux valeurs de l’Entraide Union. Celles-ci seront animées par des administrateurs de l’Entraide, et éclairées par des intervenants – experts, universitaires, partenaires et équipes des établissements de l’Entraide. L’association est particulièrement fière que le colloque de ce jour ait été labellisé Grande cause nationale et, s’il est en effet en phase avec l’actualité et les enjeux sociétaux, l’Entraide revendique et utilise depuis bien longtemps le sport comme outil d’accompagnement. Enfin, la remise des prix en fin de journée mettra à l’honneur 3 initiatives externes qui correspondent aux valeurs de l’Entraide ainsi qu’aux messages qu’elle souhaite transmettre.
Table ronde n°1 : le sport, vecteur de santé
La Dr Marie-Pierre LEDU-AJAVON, administratrice de l’Entraide Union souhaite tout d’abord élargir la notion de sport afin d’y inclure toute activité physique. Deuxièmement, il lui semble essentiel de conserver une véritable volonté de l’activité physique au sein des établissements, et d’insérer celle-ci dans toute prise en charge.
Catherine BELLAMY FAYOLLET, médecin fédéral de la Fédération française de sport adapté remarque que le colloque de ce jour s’inscrit tout à fait dans l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques, ces derniers ayant notamment permis de mieux faire connaître les handicaps invisibles. Elle souhaite avant tout préciser la terminologie et rappeler les définitions suivantes : l’activité physique (AP), subdivisée en AP de la vie quotidienne, exercices physiques et activités sportives ; le sport, ou activité sportive ; le sport-santé ; l’activité adaptée. Il est essentiel d’employer ces termes à bon escient, car l’invitation à « faire du sport » peut être effrayante pour certains, contrairement à la notion de « bouger » par exemple. Mme BELLAMY FAYOLLET clarifie ensuite les notions de sédentarité, d’activité et de condition physique, et distingue le para-sport du handisport, rappelant que le parasport est une activité sportive pour les handicaps, visibles ou invisibles, qui ne sont d’ailleurs pas tous représentés aux Jeux paralympiques. Le para-sport adapté renvoie quant à lui à la notion de sport adapté, mais spécifiquement pour un public en situation de handicap intellectuel et/ou psychique, et le para-sport santé correspond à une pratique parasportive dans un objectif de santé. Par ailleurs, si l’on a cru longtemps que les neurones se dégradaient et perdaient en efficience à partir d’un certain âge, on sait aujourd’hui que les cellules nerveuses et les circuits neuronaux sont capables de se modifier positivement ou négativement (plasticité cérébrale), ce qui signifie que rien n’est perdu et qu’il est possible de développer d’autres circuits neuronaux. Par conséquent, l’activité physique est une indication à poser pour toute personne : il s’agit souvent d’une première étape vers une pratique plus inclusive (le cas échéant), dans l’objectif de limiter la sédentarité et d’aider à améliorer les capacités physiques, cognitives et relationnelles, mais aussi de créer du lien social avec les autres pratiquants et le monde extérieur, de maintenir et de renforcer les liens familiaux, de maintenir les acquis (et donc de mieux vieillir), ou encore de réduire l’anxiété, la dépression et les comportements problématiques, et enfin d’améliorer les états de santé somatiques (avec un effet dose toutefois). Mme BELLAMY FAYOLLET souligne toutefois des points de vigilance, à savoir : un public souvent en moins bonne santé que la majorité de la population ; des modes spécifiques d’expression des problèmes de santé ; des thérapeutiques médicamenteuses fréquentes, notamment les antiépileptiques et psychotropes ; enfin, la nécessité de procéder à une évaluation avant toute mise en place d’activité physique et sportive adaptée. Mme BELLAMY FAYOLLET liste ensuite quelques recommandations : l’évaluation de l’activité physique pratiquée devrait être systématiquement abordée dans les consultations médicales, en ville comme en établissement médico-social ; en ESMS, l’activité physique devrait être inscrite dans tout projet d’établissement et dans le PPI de chaque personne ; les bénéfices et l’indication de l’activité physique devraient être expliqués à toute personne sédentaire n’ayant pas une activité physique quotidienne, quelles que soient les pathologies existantes ; les freins seront à repérer et à lever ; enfin, les facteurs facilitants sont essentiels : une atmosphère bienveillante, valorisante, ludique, ainsi qu’un accompagnement individualisé prenant en compte les désirs de la personne.
Jérôme BOULAY, directeur de la MAS Lucie Nouet indique que cette dernière accueille 64 résidents, atteints de déficiences sensorielles ou polyhandicapés, avec comme dénominateur commun une déficience intellectuelle profonde. Par conséquent, l’objectif n’est pas l’activité sportive, avec ses aspects de compétition et de performance, mais l’activité physique, allant dans le sens de la lutte contre la sédentarité. En effet, les résidents de la MAS réalisent toutes leurs activités au même endroit, et il est donc indispensable de les inciter à bouger. L’activité physique répond également à un besoin de découverte et d’aller vers l’extérieur.
Alexandre FAURE, référent LSF à la MAS Lucie Nouet y travaille depuis 25 ans, avec comme mission principale le développement de la communication dans le cadre des activités sportives, notamment l’objectif d’aider les personnes porteuses de handicap à développer leur confiance en soi afin d’entrer dans la socialisation. Cela exige de développer différents outils langagiers, adaptés aux différents publics parmi les résidents, par exemple la langue des signes tactile pour les personnes sourdes et aveugles. M. FAURE est lui-même judoka, en parallèle de son activité professionnelle, et possède une expérience de formation et d’encadrement des activités sportives. Ses missions sont complémentaires de celles de M. ANTOINE, éducateur sportif, avec qui il collabore.
Damien ANTOINE, éducateur sportif à la MAS Lucie Nouet y travaille depuis 15 ans. Sa mission consiste à s’occuper des résidents afin de développer leur bien-être, de leur permettre de pratiquer des activités physiques à l’extérieur et d’éviter l’isolement à travers différentes activités au sein de la MAS, tout en tenant compte des besoins des différents profils. Le travail s’effectue avec les résidents, afin d’évaluer leurs besoins et d’adapter les activités souhaitées à leur profil. Des handicaps très divers sont représentés au sein de la MAS, et il n’est pas toujours facile de s’adapter à tous les profils ; il est donc indispensable de cibler ce qui peut être adapté, afin que chacun se sente bienvenu dans les activités. La MAS propose également d’autres prises en charge paramédicales, des activités de motricité et, de manière générale, de nombreuses initiatives autour de l’activité physique. L’objectif est que chacun puisse participer en toute sérénité, de manière adaptée, dans la mesure où l’être humain a besoin d’activité physique pour son bien-être, qu’il soit valide ou porteur de handicap.
Diffusion d’une vidéo : démonstration de judo par des usagers de la MAS Lucie Nouet
Alexandre FAURE remarque que l’on constate une réelle différence chez les résidents, un « avant » et un « après », ce qui souligne l’importance du bien-être et de la possibilité de s’exprimer, quel qu’en soit le mode. Cela passe aussi par le fait de débriefer des séances d’activité physique, de se remémorer ce qui s’est passé et de prendre conscience de ce qui n’a pas fonctionné. L’activité sportive permet donc également le partage des émotions.
Jérôme BOULAY, directeur de la MAS Lucie Nouet souligne qu’il s’agit d’une réelle volonté de la MAS, inscrite d’ailleurs au projet d’établissement, puisque son pôle animation, composé de 5 professionnels, comprend 3 éducateurs sportifs. En outre, bien que la MAS ne se situe pas dans le registre de la compétition, cela ne l’empêche pas de participer à des événements sportifs.
Damien ANTOINE, éducateur sportif à la MAS Lucie Nouet donne l’exemple des sorties Kiwanis, organisées 4 à 5 fois par an. Celles-ci ont pour but de s’adapter à tous les profils, sous forme d’ateliers rejoints par l’ensemble des structures extérieures. C’est également une occasion de se rencontrer, de partager et d’échanger les bonnes pratiques. Ces événements sont particulièrement orientés vers le plaisir et le loisir, et différents clubs viennent apporter leur soutien.
Catherine BELLAMY FAYOLLET, médecin fédéral de la Fédération française de sport adapté précise que la Fédération propose également des manifestations dans le domaine des activités motrices, et qu’un groupe de travail et de réflexion étudie spécifiquement les pratiques en MAS et avec les personnes porteuses de handicap lourd. Il ne faut donc pas hésiter à rejoindre la Fédération sur cet axe.
Olivier BARON, directeur général de l’ALEFPA, demande comment sont gérés l’individuel et le collectif dans le programme sportif de la MAS, et comment sont sélectionnées les activités, en fonction de la personne, de ses appétences, de sa situation…
Alexandre FAURE répond que la MAS crée tout d’abord des PPI – projets personnalisés individuels – permettant un suivi de la personne et de ses besoins, et d’adapter au cours du temps l’offre d’activités. Cela permet également d’évaluer la participation au collectif, la sécurité des activités et l’épanouissement de la personne. Celle-ci est régulièrement interrogée afin de déterminer si les activités proposées lui conviennent, et pour lui en proposer d’autres le cas échéant. Il est également possible de prévoir plus de travail individuel lorsqu’une personne est en retard sur le groupe, afin de l’aider à acquérir certaines techniques et donc de rattraper les autres. Le travail quotidien d’observation et d’évaluation est par conséquent essentiel.
Damien ANTOINE explique que dans son travail antérieur en IME, un bilan à posteriori de l’activité était systématiquement réalisé. En MAS, le profil est celui d’adultes de plus de 18 ans, et l’objectif est de préserver la continuité avec les activités qui ont été appréciées à l’adolescence, en tenant toujours compte des goûts et préférences des résidents, ainsi que des possibilités climatiques. L’offre évolue donc en permanence.
Catherine BELLAMY FAYOLLET, médecin fédéral de la Fédération française de sport adapté revient sur la nécessité du PPI. En effet, avant toute mise en place d’activités, d’exercices physiques adaptés, une évaluation pluriprofessionnelle est indispensable afin de déterminer qui est la personne, ce qu’elle souhaite, quel est son état de santé, quels sont ses désirs et besoins… Le PPI est le préalable à toutes les organisations proposées aux résidents, qui incluent également tous les autres moments du quotidien, dans un objectif de « mieux bouger ».
Jérôme BOULAY, directeur de la MAS Lucie Nouet ajoute que la MAS applique le principe de libre circulation pour tous les résidents, ce qui n’est pas toujours facile avec quatre étages et de grands escaliers, pourtant les choses se passent plutôt bien. L’objectif est de mettre à disposition toutes les occasions de bouger et de se déplacer, pas forcément avec un accompagnant.
Catherine BELLAMY FAYOLLET, médecin fédéral de la Fédération française de sport adapté remarque qu’il s’agit également d’inviter les résidents à bouger, à circuler librement. La motivation est centrale, et diffère largement d’une personne à l’autre ; il est donc essentiel de réfléchir aux manières d’accompagner la motivation afin d’amener la personne à bouger plus.
Jérôme BOULAY, directeur de la MAS Lucie Nouet remarque que c’est l’une des difficultés dans l’accompagnement de personnes porteuses de déficiences intellectuelles profondes : ce qui fonctionne un jour peut ne pas fonctionner le lendemain, et c’est pour cela qu’il faut rester très vigilant, et qu’il n’est pas possible de prendre plus de 5 à 6 personnes à la fois.
Catherine BELLAMY FAYOLLET souligne que c’est pour cette raison que la prise en charge ne se limite pas à l’activité sportive, mais doit inclure toute forme d’activité physique comme la marche, la promenade… Tout le personnel doit donc être sensibilisé à la nécessité de faire bouger les résidents.
Jérôme BOULAY, directeur de la MAS Lucie Nouet répond que la MAS organise justement tous les lundis matins une séance au gymnase, avec 30 résidents.
Alexandre FAURE explique que sa structure propose plusieurs secteurs d’activité – pour les sourds aveugles, les personnes déficientes intellectuelles, les personnes souffrant de problèmes de motricité… – chacun étant adapté au profil des personnes afin de les mobiliser, et d’assurer que ce moment collectif soit fluide et convivial. L’objectif de ces activités est avant tout la socialisation, facteur de véritable bien-être.
Catherine BELLAMY FAYOLLET, médecin fédéral de la Fédération française de sport adapté remarque que certaines de ces activités pourraient être relayées dans les unités sans éducateur sportif, comme un moment ludique et convivial.
Damien ANTOINE répond que c’est déjà le cas, et les éducateurs inquiets de ne pas savoir encadrer ce type d’activité sont invités à observer, afin de lever leurs inquiétudes et d’échanger sur les pratiques.
Jérôme BOULAY, directeur de la MAS Lucie Nouet remarque toutefois que tous les accompagnants ne sont pas dans cette dynamique et n’ont pas cette appétence.
Marie-Pierre LEDU-AJAVON, administratrice de l’Entraide Union regrette que l’activité physique ne soit pas plus présente dans les formations d’éducateurs spécialisés, d’aides-soignants ou d’AES.
Jean-Paul COMTE, administrateur de l’Entraide Union, demande à Mme FAYOLLET quel est le lien entre la Fédération française de sport adapté et les associations et établissements, et quelles sont les aides qu’elle peut apporter à celles-ci.
Catherine BELLAMY FAYOLLET, médecin fédéral de la Fédération française de sport adapté répond qu’il s’agit d’une fédération sportive, structurée en ligues et comités départementaux. Chaque établissement peut donc contacter le comité ou la ligue de proximité. La Fédération propose plus de 33 disciplines, et les comités peuvent organiser des rencontres ou accompagner la mise en place de projets en établissement.
Pause active avec les étudiants de l’ANESTAPS.
Table ronde n°2 : le sport, vecteur d’inclusion
Laurent FORGET, administrateur de l’Entraide Union anime cette table ronde qui aurait également pu s’intituler « sport, outil d’inclusion ». L’inclusion recouvre plusieurs thématiques : éduquer, sensibiliser, changer les mentalités, adapter les infrastructures et équipements, intégrer des disciplines inclusives pour le public, former le personnel sportif, encourager la participation active des personnes en situation de handicap, mettre en avant des modèles inspirants, valoriser les bénéfices de l’inclusion pour tous et renforcer les liens sociaux dans un esprit de bienveillance et de solidarité.
Christelle MARSAULT, maître de conférences, HDR en STAPS, université de Montpellier est spécialiste en sociologie du sport. Elle travaille auprès des futurs enseignants d’EPS et regrette que l’inclusion demeure un véritable problème, car les élèves à besoins particuliers ou en situation de handicap sont encore trop souvent exclus de ces activités au sein de l’école. En tant que sociologue, elle interroge les normes sociales ainsi que la manière dont elles agissent sur les individus, et le sport n’y échappe pas. Par exemple, concernant l’inclusion, les Jeux olympiques et paralympiques se sont tenus au même endroit, mais à des moments différents, avec des pratiques et des cérémonies différentes. En outre, tous les handicaps ne sont pas représentés aux Jeux paralympiques, par exemple les personnes sourdes et malentendantes. On peut donc se demander à qui revient le choix d’inclure ou non, et dans ce cas ce sont les fédérations qui ont choisi d’être séparées afin d’être plus visibles : les sourds ont par exemple leurs propres Jeux, les Deaflympics, qui existent depuis 1924. La première question est donc celle du mode d’inclusion : en situation ordinaire avec des adaptations et aménagements ; en séparant, par exemple avec le sport adapté et des structures spéciales, permettant un entre-soi et une sécurité différente ; ou encore en mixité. Par ailleurs, la limite peut être protectrice, ou encore viser à marquer sa différence et son identité, comme dans le cadre des Jeux paralympiques. Elle peut aussi servir à discriminer, car le sport est fondamentalement discriminant dans la mesure où il recouvre à la fois les notions de performance et d’égalité : en effet, pour rechercher cette égalité, on va séparer les hommes des femmes, discriminer en fonction du type de handicap et créer des catégories elles-mêmes discriminantes puisque l’on choisira, pour le sport de haut niveau, les personnes les moins handicapées de la catégorie afin d’obtenir les meilleures performances. Il est donc nécessaire de définir les limites, ainsi que les critères sur lesquelles elles reposent. Aujourd’hui par exemple, il est nécessaire de s’interroger sur la manière d’inclure les personnes trans et intersexe, et sur la catégorie dans laquelle elles peuvent concourir dans un esprit d’égalité de performance. Cela pose la question de la norme, et de la manière de penser l’inclusion.
Nick GALLO, chargé d’insertion à l’ESAT Evelyne Conte remarque qu’il est très français de vouloir placer les personnes dans des cases bien spécifiques, ce qui peut fortement compliquer la pratique sportive avec les questions de handicap moteur/non moteur par exemple.
Olivier BARON, directeur général de l’ALEFPA indique que l’ALEFPA a pour particularité d’accueillir des publics très divers (enfants et adultes porteurs de handicaps, personnes en situation de précarité, personnes âgées) avec le sport comme fil rouge. Ce dernier, loin de tout esprit de compétition, permet d’insérer, de partager, chacun à son rythme et à son niveau. Il est une application des valeurs de la République, illustrant la liberté de pratiquer, l’égalité et la fraternité avec les autres pratiquants. L’ALEFPA s’appuie sur 3 aspects pour développer ces activités : la liberté et l’encouragement à faire du sport à l’extérieur, permettant notamment de reconquérir une image de soi et une vie sociale ; des appels à projets activités physiques et sportives (enfants, adultes et professionnels), dont le dernier s’intitule « Tous nageurs à l’ALEFPA » ; ainsi que 3 opérations nationales autour du sport, dont un raid cycliste solidaire en juin, les Alefpiades ainsi que l’ALEFPA Trail à Eymoutiers, ouverts à tous publics. Ce dernier évolue chaque année, et les participants sont de plus en plus nombreux (1 500 en 2024). Pendant le trail, il n’y a plus de différence entre personnes porteuses ou non de handicap, ce qui permet d’illustrer qu’il n’y a qu’une seule humanité, au sein de laquelle nous sommes tous frères et sœurs (projection de clips de présentation). M. BARON demande à M. GALLO d’en dire plus sur son expérience de création de club de rugby.
Nick GALLO, chargé d’insertion à l’ESAT Evelyne Conte explique qu’il siégeait au comité directeur d’un club de rugby, ce qui lui a donné l’envie de créer un club de rugby adapté, officialisé en 2016. Il a présenté cette initiative à l’ESAT Evelyne Conte, qui y a adhéré. Il souhaite à ce propos présenter Dominique, un usager qui pratique le rugby adapté le samedi matin, le foot en salle, le tennis de table et le basket le samedi après-midi, et joue au hockey sur gazon le dimanche au Racing Club de France de Colombes. La semaine, il travaille en espaces verts, ce qui est une excellente préparation à l’activité physique. Par ailleurs, il a été sélectionné par l’équipe de France de hockey sur gazon adapté en avril 2024.
Dominique explique qu’il pratique le sport depuis l’enfance, et qu’il en a toujours ressenti les bienfaits. Il n’a pas été évident au début d’intégrer le championnat d’Europe de hockey sur gazon, mais il est ravi de l’avoir fait et de pratiquer le sport de manière générale, avec les jeunes comme avec les adultes. Il aime également la compétition, même s’il lui est difficile d’accepter de perdre.
Nick GALLO, chargé d’insertion à l’ESAT Evelyne Conte ajoute que 2024 a été une très belle année pour le club, qui a participé au championnat d’Île-de-France. Une division en est sortie championne d’Île-de-France, et l’autre vice-championne. Les deux catégories sont en outre vice-championnes de France.
Christelle MARSAULT, maître de conférences, HDR en STAPS, université de Montpellier explique que le deuxième axe que souhaitent aborder les intervenants de cette table ronde est celui de l’inclusion en termes de politiques, notamment d’accessibilité. Cela permet de passer des incapacités attribuées au sujet à l’idée de capacité, qui part du principe que c’est également l’environnement qui rend l’individu capable. L’inclusion, c’est donc aussi élargir les possibilités d’action des personnes, par exemple en rendant la pratique sportive viable dans la vie ordinaire. Cela pose une autre question, celle de la différence entre l’inclusion et l’inclusivité : l’inclusion pense l’aménagement pour le sujet, alors que l’inclusivité pense également l’aménagement par le sujet. Cela amène à s’interroger sur l’accessibilité de la pratique sportive, et sur les aménagements visant à la rendre accessible à toutes les personnes.
Nick GALLO, chargé d’insertion à l’ESAT Evelyne Conte constate que la situation est problématique en France, où des personnes font jusqu’à 50 kilomètres pour pouvoir pratiquer un sport, qu’elles n’ont souvent pas choisi de surcroît. Même en Île-de-France, où les initiatives se développent, certaines villes ne proposent que du foot ou du rugby. Il est donc indispensable de faire bouger les clubs ainsi que les structures.
Christelle MARSAULT, maître de conférences, HDR en STAPS, université de Montpellier ajoute que penser l’inclusivité, c’est aussi penser l’aptitude à s’intégrer dans un effort partagé, et accepté par tous, ce qui renvoie à la question du sport séparé, en situation ordinaire ou en mixité. L’inclusivité décale la question du handicap, en revendiquant la co-construction d’un projet de société à travers le projet sportif, afin que chacun y trouve sa place. En outre, l’inclusion questionne le regard porté sur la personne, et sur soi-même : handicap visible ou invisible, mais aussi inclusion ordinaire de personnes non porteuses de handicap, se trouvant cependant exclues à un moment (par exemple la dernière personne choisie en cours d’EPS pour participer aux sports collectifs). Enfin, elle renvoie à la notion de personne vulnérable, qui peut se trouver en situation de handicap lorsqu’elle ne peut plus faire quelque chose qu’elle faisait auparavant. Or le sport peut permettre de transformer son regard sur elle-même, sous certaines conditions toutefois puisque l’on est jugé et que l’on se juge soi-même en fonction de certaines normes, à savoir le validisme puisque le « valide » (homme blanc, en bonne santé et plutôt jeune) est devenu la norme universelle. Selon cette norme, le regard posé sur soi ne peut être que problématique. Or on peut également se juger en termes d’efforts, de volonté et non de production de performance, auquel cas chacun est en capacité de participer. D’ailleurs, le courant de la neurodiversité défend l’idée que chacun peut trouver sa place, avec des comportements différents, les comportements atypiques permettant justement d’enrichir les comportements attendus et de trouver d’autres solutions, d’où l’intérêt des pratiques mixtes. Pour cela, il est essentiel que l’individu ne cultive plus la normalité, mais s’intéresse à la normativité, c’est-à-dire la capacité à produire ses propres règles et normes et à être jugé sur ces dernières, et non selon une norme qui serait « universelle ». Cette capacité permettra à l’individu de rendre la situation viable et vivable pour lui-même, ainsi que valable aux yeux des autres. Cela pose également la question d’inclure avec les normes ordinaires, valables pour tous, ou en défendant d’autres normes via le sport adapté, par exemple.
Monique ARDELLIER, administratrice de l’Entraide Union estime que le fait que les Jeux paralympiques soient organisés à part a permis de changer le regard du public, et l’on a constaté le même engouement de ce dernier. Elle se demande donc si cela ne permettra pas d’accélérer les politiques d’inclusion.
Christelle MARSAULT, maître de conférences, HDR en STAPS, université de Montpellier se contente de questionner, et n’a pas forcément de réponse à apporter. Toutefois, elle remarque que la séparation présente un intérêt pour la médiatisation des pratiques, mais aussi pour la revendication politique et culturelle. D’autres personnes préféreraient à l’inverse être incluses, reconnues dans l’ordinaire et non caractérisées et discriminées sur la base d’une seule caractéristique, leur handicap. Par ailleurs, la séparation n’est pas seulement militante, elle peut aussi permettre un espace protecteur où travailler dans l’entre-soi. On peut citer par exemple les femmes atteintes de cancer, les associations de sport santé… En effet, lorsqu’on vit des expériences particulières, on a envie d’être compris par des personnes vivant des choses similaires, et d’échanger avec elles. Il semble donc à Mme MARSAULT qu’il faut proposer ce genre d’activité, tout en continuant à permettre que d’autres personnes, qui souhaitent continuer « comme avant », puissent pratiquer en milieu ordinaire avec des aménagements. Le sport permet justement ces réponses différentes.
Olivier BARON, directeur général de l’ALEFPA constate qu’il n’y a jamais d’ordinaire, mais toujours du singulier, et que le sport est du singulier en collectif. L’ALEFPA tend à amener les personnes vers le sport classique, mais toujours en commençant par du sport adapté. Par exemple, un enfant en situation d’obésité morbide peut commencer par travailler sur son projet singulier avec l’équipe éducative, afin de pouvoir rejoindre le collectif ultérieurement. Il semble donc à M. BARON que le sport sert à adapter le singulier au collectif, et que l’inclusion revient à ce que chacun trouve sa place dans une activité physique et sportive, mais aussi dans la société.
Nick GALLO, chargé d’insertion à l’ESAT Evelyne Conte présente le fonctionnement des sections valides et adaptées. Les entraînements ont lieu le samedi matin, et l’école de rugby travaille sur l’autre moitié du terrain. Les parents accompagnent leurs enfants au rugby et s’entraînent avec eux et avec l’équipe. Il arrive toutefois que les équipes soient séparées car les enjeux sont différents, mais la plupart du temps tous s’entraînent ensemble, sauf les seniors. Le vivre ensemble s’effectue donc naturellement dans les fêtes de Noël, les kermesses, les tournois… (projection d’une vidéo). Les titres remportés permettent également de communiquer, ce qui donne envie aux personnes du club « ordinaire » de rejoindre l’activité adaptée.
Concernant Dominique, son temps de travail a été aménagé afin de lui permettre de participer aux compétitions. En effet, cela fait partie de son projet professionnel, et une partie de son travail consiste donc à pratiquer le sport. M. GALLO souligne que le Championnat de France de rugby adapté implique 14 éléments de l’ESAT, ce qui pose parfois des problèmes d’organisation. Les événements se tiennent le week-end, toutefois les personnes concernées sont absentes du vendredi au lundi car même si les matches s’achèvent le dimanche midi, l’ESAT tient à intégrer une partie ludique, avec des visites guidées de la ville par exemple.
Pause active avec Justin DEBEVE, chargé de mission affaires de santé à l’ANESTAPS, suivie de la pause déjeuner.
Notre grand témoin : Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation
(Projection d’une vidéo)
Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation explique qu’outre ses activités de cavalière non-voyante, elle est étudiante en philosophie. Elle pratique depuis sa plus tendre enfance l’équitation, qui est une véritable tradition familiale. Elle a débuté la compétition à 9 ans, avec une prédilection pour le saut d’obstacles. À 16 ans, elle s’est inscrite en sport-études à l’école Diagonale de Paris. L’équitation a donc toujours été au centre de sa vie et, à la fin de son année de première, elle a été victime d’un coup de sabot au visage qui a occasionné de multiples fractures et lui a fait perdre la vue, malgré de nombreuses opérations. Accompagnée par ses proches, elle a essayé d’accepter au mieux cette situation et de continuer à avancer. Pour elle, il était inenvisageable d’arrêter l’équitation et elle a tout fait pour remonter au plus vite, même s’il lui a fallu réapprendre à mener sa vie et sa passion avec son handicap. Elle estime que le sport l’a fortement aidée, car la compétition confronte à des échecs et des remises en question. Elle a donc appréhendé son handicap comme la sortie d’une très mauvaise saison, avec la nécessité de travailler encore plus afin de se réadapter. Les débuts ont été extrêmement frustrants, mais elle était motivée à retrouver son autonomie à cheval ainsi que son lien avec ses chevaux. Le sport l’a également aidée à reprendre ses études et à passer son bac brillamment l’année suivante. Elle souhaitait également reprendre le saut d’obstacles, or celui-ci n’existe pas en handisport, contrairement au para-dressage. Elle a eu la chance de rencontrer un autre cavalier non-voyant qui lui a transmis sa technique, permettant de pratiquer le saut d’obstacles avec des crieurs et des codes sonores. Enfin, en novembre 2021 et grâce à sa coach et à son cheval, elle a pu reprendre les concours en milieu ordinaire, ce qui a exigé un immense travail mais lui permet de pratiquer le saut depuis 3 saisons. Elle souligne que si le cheval est à l’origine un sport individuel, elle le pratique aujourd’hui en trio avec son cheval et sa coach, mais aussi collectivement avec ses crieurs, tous bénévoles. En outre, elle pratique aujourd’hui le para-dressage, ce qu’elle considère comme une opportunité supplémentaire. Elle remercie ses proches de l’avoir suivie également dans ce projet. Son objectif est d’aller aussi loin que possible dans cette nouvelle discipline et, à plus court terme, de concourir au championnat de France de para-dressage à la fin 2024, ainsi qu’au championnat de saut d’obstacles en valide. Cela fait maintenant 4 ans qu’elle est aveugle et, si cette situation implique beaucoup d’adaptation et de frustration, elle se rend également compte de tout ce qu’elle a pu accomplir et des merveilleuses rencontres qu’elle a pu faire. Pour Ninon FORGET, la vie continue, et elle est belle tout de même.
Joël FERRIER demande si Mme FORGET a choisi l’équitation au bac.
Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation répond que ce n’était pas le cas car elle était en bac littéraire et dispensée de sport.
Alain GIRARD demande si M. FORGET aimerait que le saut d’obstacle soit reconnu comme sport paralympique.
Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation le souhaite en effet. D’ailleurs, le para-saut d’obstacle a déjà existé, mais pas en tant que discipline paralympique, et n’existe plus du tout en handisport. Elle estime que cela prive les cavaliers d’une discipline capitale en équitation, alors que les risques en termes de sécurité et de praticité ne sont plus d’actualité grâce aux nouvelles techniques employées, ce que M. FORGET et d’autres personnes démontrent en concourant en milieu ordinaire et en finissant bien placées.
Monique ARDELLIER, administratrice de l’Entraide Union demande si le chien guide d’aveugle et le cheval de Mme FORGET s’entendent bien.
Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation le confirme, et indique que son chien Gus l’accompagne partout.
Une personne du public pose une question. Elle travaille avec des adultes en situation de handicap touchant l’AAH et remarque que nombre d’entre eux apprécient l’équithérapie. Elle demande s’il est réalisable pour des personnes touchant l’AAH de poursuivre cette activité en club.
Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation reconnaît qu’il s’agit d’un sport onéreux, mais pense qu’il est possible de trouver des solutions via des associations, par exemple. Elle sait que des écuries essaient de démocratiser l’équithérapie, toutefois l’entretien et le bien-être des animaux exigent un financement important.
Justin DEBEVE, chargé de mission affaires de santé à l’ANESTAPS demande comment M. FORGET a vécu l’année du bac, si des aménagements lui ont été apportés, et de quel type, et si elle se sent aujourd’hui incluse à l’université.
Ninon FORGET, cavalière de haut niveau en para-équitation répond que la rentrée de terminale a été très frustrante. Cependant, ses proches et ses amis l’ont beaucoup aidée, et l’école comme les enseignants l’ont énormément soutenue, cherchant avec elle des solutions tout au long de l’année. Des personnes prenaient les notes à sa place, et elle leur dictait ses devoirs, ce qu’elle continue à faire même si elle tape elle-même ses notes. Elle bénéficie de tiers-temps et d’un ordinateur en classe. Au début, il était frustrant de devoir écouter les textes au lieu de les lire mais le cerveau apprend vite, tout comme le fait de rédiger à l’oral. Elle garde un très bon souvenir de cette année, qui a été très riche intellectuellement ainsi que par le soutien apporté par ses camarades et enseignants. Par la suite, elle a choisi une université à taille humaine, où elle prend ses cours seule mais où une personne écrit pour elle lors des partiels, et où elle peut passer des oraux plutôt que des écrits. Le fait que son école soit conciliante et adaptable facilite énormément les choses. Ses camarades, comme souvent, ne savaient pas comment réagir au début, mais aujourd’hui tout se passe bien et elle se sent totalement intégrée.
Alain GIRARD, président de l’Entraide Union remet un bouquet à Ninon FORGET.
Table ronde n°3 : le sport, outil d’accompagnement
Alain AMATE, vice-président de l’Entraide Union indique que cette table ronde étudiera si le sport peut être un outil supplémentaire dans l’accompagnement des personnes et la dynamique de parcours intégratif des personnes en situation de handicap. Les tables rondes précédentes ont montré l’importance du sport pour la santé physique et psychique ainsi que la participation à la société, et ici il s’agira de se préoccuper du comment, avec les moyens à disposition ainsi que les leviers à mettre en œuvre pour s’adapter.
Isabelle CABY, maître de conférences au laboratoire SHERPAS (URePSSS) de l’université d’Artois effectue notamment des recherches sur la place de l’activité physique et sportive ainsi que de l’éducation physique et sportive dans la fabrique et/ou la fragilisation du lien social. Elle présentera des exemples des Hauts-de-France, où elle exerce. Elle parlera de la place et de l’accompagnement, ainsi que de son expérience d’universitaire. Elle se définit avant tout en tant que sportive et, suite à une blessure, elle a découvert l’activité physique adaptée en centre de rééducation, ce qui a orienté l’ensemble de son parcours professionnel. Ses recherches portent sur le lien social, c’est-à-dire sur la place de l’activité physique dans la construction, la déconstruction ou la reconstruction du lien social en termes de protection et de reconnaissance. Elle est également très investie dans le sport adapté, et engagée dans la vie associative puisqu’elle achève sa 3e olympiade au sein de la Ligue de sport adapté des Hauts-de-France. Elle s’intéresse en particulier aux personnes vulnérables, et a entrepris des recherches-actions en sport adapté, afin de déterminer comment le sport adapté aide les personnes vulnérables à accéder à l’activité physique. À partir de 2019, la Ligue et le laboratoire SHERPAS ont entamé une première recherche sur le diagnostic de l’offre sportive au sein des établissements médico-sociaux des Hauts-de-France, afin de définir où et comment agir. Cela a permis de constater que si une offre existait dans le tissu associatif et médico-social, moins de la moitié des enfants des IME pratiquait une activité sportive par exemple. L’étude a donc consisté à dresser une carte des déserts sportifs, puis à élaborer un modèle d’intervention. Un nouveau diagnostic est en cours, mais entre-temps un modèle a été développé : tout d’abord, un modèle d’intervention in situ, travaillé avec l’ARS qui a également financé des programmes de 3 mois. Il a ensuite été nécessaire d’évaluer si cela modifiait le regard des chefs d’établissement, si ces derniers et si les pratiquant avaient envie de poursuivre ces pratiques. Or si l’on ne modifie pas la condition physique avec une séance par semaine, on agit fortement sur le lien social : en effet, l’évaluation des compétences psychosociales d’adultes en ESAT a permis de constater d’importants progrès et changements de comportement des usagers, parfois « radicaux » selon les termes des éducateurs. Ce modèle s’est poursuivi in situ, sans être suffisant toutefois en l’absence d’autre maillage (enseignants APA, clubs de proximité…). Par conséquent, Francis FAELENS, président de la Ligue Hauts-de-France de sport adapté, a cherché des financements, qui ont permis de financer le Sport Adap’Truck, qui se rend auprès des établissements médico-sociaux, touchant environ 50 villes par an et permettant à 2 500 personnes de bénéficier d’activité physique via la sensibilisation et la découverte. Cela n’est toutefois pas suffisant, puisque la dose hebdomadaire de pratique physique sur les 232 établissements ayant répondu à l’enquête est de 73 minutes par semaine. La marge de progrès est donc encore conséquente afin d’atteindre les 30 minutes par jour. Toutes ces actions s’effectuent avec de nombreux partenaires : les établissements médico-sociaux, la Ligue, l’ARS… Mme CABY cite notamment deux dispositifs proposés par le CPSF : ESMS & Clubs, qui accompagnent les usagers dans les clubs sportifs et les encadrent pour une quinzaine de séances ; les Clubs inclusifs, qui accompagnent à la découverte du sport adapté et du handisport. Chaque Région a ses particularités et, en ce qui concerne les Hauts-de-France, Mme CABY estime qu’il y a encore un manque de visibilité ainsi qu’une certaine méconnaissance. Elle travaillera donc sur un MOOC, afin de mieux identifier à l’avenir qui peut accompagner les usagers vers la pratique sportive.
Anaïs BLANCHARD, cheffe de service MECS à l’Entraide Union explique que les deux MECS dont elle s’occupe se situent en montagne bourbonnaise, un environnement très propice aux activités physiques et sportives. Ces dernières sont bien plus qu’une activité de loisir, puisqu’elles représentent la base du travail et de l’accompagnement quotidien, avec les jeunes comme avec les familles (dans le soutien à la parentalité par exemple). La majorité des enfants pratique au moins une activité sportive, et les clubs sont abondants dans la région.
Rabah BOUKHOBZA, animateur l’Entraide Union s’occupe de la maison des petits, qui rassemble des enfants entre 6 et 12 ans. De nombreuses activités physiques et sportives sont proposées comme la randonnée, les sorties piscine et l’apprentissage de la natation, l’apprentissage du vélo afin de favoriser l’autonomie, les sorties au Trampoline Park, les courses d’orientation… Ces activités permettent également de renforcer la cohésion du groupe. Les activités avec les animaux, régulièrement proposées, donnent également des résultats étonnants, notamment au niveau émotionnel. La MECS travaille à mettre en place un projet de parcours de motricité, qui permettra aux enfants de développer leur capacité physique, leur coordination et leur équilibre dans un cadre sécurisé et adapté. La MECS encourage également la pratique durable, en incitant les enfants à s’inscrire à l’année dans des clubs sportifs de tout type. Elle les accompagne, dans la mesure où il peut être difficile pour eux de s’engager à long terme et d’être en compétition avec d’autres enfants. La MECS organise également des tournois avec d’autres structures, fondés sur le fair-play et le fait de vivre une activité sur toute une journée, en gérant les émotions et frustrations. Toutes ces activités jouent un rôle central dans l’accompagnement de la MECS, notamment en permettant aux jeunes de dépenser leur énergie, de sécréter des endorphines etc.
Alain AMATE, vice-président de l’Entraide Union remarque que malgré les dispositifs et les lois, seuls 2 % des clubs sportifs accueillent les personnes en situation de handicap.
Anaïs BLANCHARD, cheffe de service MECS à l’Entraide Union répond que la plupart des enfants accueillis sont en situation de handicap, et pourtant la majorité d’entre eux est inscrite dans des clubs. Les clubs environnants sont véritablement un appui et un atout.
Rabah BOUKHOBZA, animateur l’Entraide Union ajoute que du fait d’être installés dans la région depuis longtemps, les MECS ont tissé des liens avec les intervenants locaux. En outre, les éducateurs accompagnent les enfants de très près, sont présents aux entraînements etc.
Isabelle CABY, maître de conférences au laboratoire SHERPAS (URePSSS) de l’université d’Artois précise que toutes les personnes en situation de handicap ne se déclarent pas comme telles. Cela signifie que des situations de handicap sont déjà accueillies en club, mais n’apparaissent pas dans les chiffres. En outre, il est nécessaire d’identifier le tissu local inclusif, et les clubs handi-accueillants sont normalement référencés dans le handiguide. Il lui semble aussi que le tissu sportif, physique, doit se construire à partir du lieu de vie. Si celui-ci est l’établissement, il incombe aux référents en EPS de faire le lien avec les clubs. Par conséquent, même si les chiffres semblent effrayants pour le moment, il y a fort à parier que le réseau d’acteurs se construira.
Gladis CYRILLE, enseignante en activité physique adaptée à l’IMPro R. Lecherbonnier indique qu’il est compliqué d’inscrire les 14-20 ans accueillis dans des clubs sportifs. En effet, ces derniers fonctionnent avec des notions de compétition et de niveau, et refusent d’inscrire les jeunes même si ceux-ci ne souhaitent participer qu’aux entraînements. Malgré le travail des référents, il reste difficile de les faire accéder au sport durable. Les coaches et les clubs ont été sensibilisés à cette question et ont promis d’y réfléchir, sans résultat pour le moment. De manière générale, il est sans doute plus difficile d’intégrer les adolescents que les plus jeunes enfants.
Isabelle CABY, maître de conférences au laboratoire SHERPAS (URePSSS) de l’université d’Artois pense qu’il est également nécessaire de rassurer les clubs, et par exemple de proposer d’ouvrir une section sport adapté en apportant un environnement et des adaptations favorisant l’inclusion.
Rabah BOUKHOBZA, animateur l’Entraide Union explique que sa MECS bénéficie d’un créneau dans une salle de sport permettant de créer sa propre activité. Elle a donc créé une activité futsal, qui est de fait plutôt une activité de foot loisir. En outre, la participation aux clubs peut être compliquée par le fait que les parents n’amènent pas toujours leurs enfants aux compétitions le week-end, or le club souhaite des résultats et cantonne donc ces enfants aux postes de remplaçants. Les éducateurs essaient par conséquent d’être présents.
Justin DEBEVE, chargé de mission affaires de santé à l’ANESTAPS, remarque que les pratiques sportives souhaitées par les jeunes ne sont pas forcément exclusives aux clubs. En effet, les clubs au sens compétitif ne représentent que 7% des souhaits des jeunes, or plus de 80% des clubs proposent une offre compétitive. Il est donc nécessaire de développer des offres « loisir », avec des encadrants adaptés. Ces aspects ne sont pas encore lisibles aujourd’hui, car on ne connaît pas les professionnels de l’activité adaptée. D’ailleurs, si seulement 2% des clubs incluent des personnes en situation de handicap, c’est peut-être parce que l’on manque d’encadrants, et d’insertion professionnelle dans le sport pour les personnes en situation de handicap. Or il est nécessaire d’avoir des modèles, des exemples. Il s’agit donc peut-être avant tout de rendre accessibles les métiers du sport et de l’animation aux personnes en situation de handicap. Quoi qu’il en soit, il y a peu de visibilité pour le moment, notamment parce que les personnes en situation de handicap ne le déclarent pas forcément, puisqu’il s’agit d’un frein à l’insertion et dans la vie quotidienne. Il sera donc nécessaire de faire de la différence et de la diversité une force, et il lui semble qu’avec un état des lieux et plus de visibilité, il sera possible de développer l’insertion des personnes en situation de handicap dans les métiers du sport et de l’animation. À cet effet, l’ANESTAPS et l’Union sport & cycle ont mis en place une enquête qui permettra d’obtenir les premiers chiffres, et donc plus de visibilité.
Isabelle CABY, maître de conférences au laboratoire SHERPAS (URePSSS) de l’université d’Artois remarque que le rapport 2023 de l’Inspection générale sur le déploiement des 30 minutes d’activité physique a permis de poser plusieurs constats, notamment que seuls 50% des ESMS sont dotés de professionnels qualifiés. Toutefois, il faut rappeler que la pratique physique et sportive peut s’effectuer sous différentes formes : dans les établissements, dans les clubs de manière encadrée et structurée, mais aussi de manière totalement libre, d’où l’importance de responsabiliser les familles. En outre, les modèles socio-écologiques sont en train d’émerger, prenant en compte la personne et ses motivations, l’environnement proche ou lointain, les politiques etc., tous ces aspects communiquant entre eux. Par exemple, l’environnement structure la motricité, et ouvre des possibilités d’expériences corporelles et de capabilités.
Alain AMATE, vice-président de l’Entraide Union souligne que les écoles d’éducateurs spécialisés, par exemple, n’abordent plus le sport, pas plus que les enseignants, comme si les ministères concernés renvoyaient aux autres la responsabilité de proposer des activités physiques.
Justin DEBEVE, chargé de mission affaires de santé à l’ANESTAPS interroge le public sur sa connaissance de différents termes : éducateur sportif, éducateur sportif spécialisé, éducateur en APA, enseignant en APA, kinésithérapeute, ainsi que sur leur connaissance des différences entre les prérogatives de chacun. Celles-ci sont méconnues, et même l’État n’a pas clairement légiféré à ce sujet, ce qui semble être un frein important, et peut-être le premier puisqu’on ne sait pas qui fait quoi, ni comment. Il n’y a pas non plus d’uniformisation des compétences au sein des diplômes. Dans les points positifs, on peut citer le fait que les diplômes sont très spécialisés dans une thématique spécifique ; toutefois, il n’y a pas forcément de reconnaissance ni de protection des métiers, or cette dernière pourrait déjà contribuer à améliorer la situation. En effet, s’il y a une certaine orientation entre les différentes professions, celle-ci n’est pas écrite et donc pas appliquée, ce qui peut par exemple rendre des séances dangereuses, mal adaptées, ne donnant pas les résultats attendus et n’incitant pas les usagers à pratiquer chez eux. Deux solutions sont possibles : restructurer les diplômes et clarifier les compétences de chacun, ou former tous les diplômes à l’APA. Quoi qu’il en soit, il semble à M. DEBEVE que le plus important est de clarifier les besoins des usagers dès le début.
Isabelle CABY, maître de conférences au laboratoire SHERPAS (URePSSS) de l’université d’Artois remarque que l’activité physique et sportive relève d’une profession réglementée, qui exige forcément une qualification en lien avec les métiers du sport. Par exemple, son université a travaillé à clarifier les missions de l’enseignant APA et à définir un langage commun. Il lui semble donc que la profession est un peu mieux connue aujourd’hui. En outre, si en 2019 peu d’établissements des Hauts-de-France intégraient l’activité physique dans leur projet d’établissement, aujourd’hui ils sont 60 %. Il lui semble donc qu’il s’agit d’une belle avancée, même s’il reste bien sûr du travail à accomplir.
Rabah BOUKHOBZA, animateur l’Entraide Union reconnaît qu’un établissement disposant de personnel qualifié et spécialisé dans le sport proposera sans doute des activités plus pertinentes pour les usagers. Cependant, toutes les structures n’ont pas cette chance, ce qui ne les empêche pas de proposer des activités sportives aux enfants, quitte à les développer par la suite avec des personnes plus spécialisées comme des éducateurs sportifs en situation de handicap, qui encouragent également par leur exemple.
Alain AMATE, vice-président de l’Entraide Union aimerait que M. DEBEVE présente également les autres métiers du sport pouvant concerner les personnes porteuses de handicap.
Justin DEBEVE, chargé de mission affaires de santé à l’ANESTAPS répond que différentes mentions existent au sein de la filière STAPS : management du sport ; entraînement sportif, avec des parcours spécialisés dans l’adaptation à la pratique handisport ; ergonomie sportive et performance motrice (ESPM) ; activité physique adaptée et santé (APAS), parcours à l’issue duquel on devient EAPA. M. DEBEVE précise que ces pratiques adaptées ne concernent pas seulement les personnes en situation de handicap, mais aussi celles qui sont éloignées de la pratique sportive, quelle qu’en soit la raison (par exemple résidant dans les QPPV). À signaler également, la mention historique éducation et motricité (EM), qui cherche à s’ouvrir afin d’inclure l’insertion sociale par le sport. S’ajoutent à ces formations l’ensemble des brevets professionnels et diplômes d’État, plus ciblés sur la gestion ou l’encadrement de pratiques spécifiques. Il y a plus de 1 000 formations aujourd’hui dans le domaine du sport et de l’animation, ce qui renforce encore l’illisibilité. Toutefois, le fait de cibler les besoins permet de cibler les demandes, et de trouver les personnes adaptées, même s’il importe de les coordonner dans un parcours identifié.
Alain AMATE, vice-président de l’Entraide Union se demande à ce propos si les associations sportives de plus de 20 salariés respectent leur obligation d’employer des travailleurs handicapés, et en profite pour faire le lien avec le projet de Mme COCOZZA.
Catherine COCOZZA, directrice du dispositif ITEP Paul Mourlon, est directrice d’un dispositif rassemblant 6 établissements, qui propose essentiellement des formations qualifiantes, parmi lesquelles les métiers du sport sont arrivés en 2023. Avant cela, le DITEP a œuvré à la création d’un SESSAD Pro et a ouvert une UEE dans le cadre d’un collège, dans une optique de préparation à une insertion préprofessionnelle en milieu ordinaire de jeunes relevant du champ du handicap. En effet, le DITEP accueille des garçons âgés de 12 à 20 ans présentant des troubles du caractère et du comportement, dont le handicap n’est pas visible physiquement mais très présent psychiquement. Ces enfants ont souvent été rejetés par l’Éducation nationale, et il est donc également nécessaire de les familiariser avec la sphère scolaire. Ils peuvent notamment présenter des difficultés mnésiques, d’attention, de respect des règles, de socialisation… Or de nombreux jeunes étaient déjà inscrits dans des clubs de sport, et il y avait de plus en plus de demandes à apprendre, à enseigner et à prendre en charge dans des clubs de loisirs. Il a donc été décidé de créer une formation innovante aux métiers du sport, en partenariat avec le FORMAPI. Ce dernier accueille 40 formateurs afin d’encadrer 8 jeunes qui se destinent à apprendre un métier allant de la première certification au BPJEPS, voire à la licence. Les jeunes sont en partenariat avec un club de sport ou une mairie, en contrat d’apprentissage et donc rémunérés dès l’entrée en DITEP. Outre les avantages financiers pour les employeurs et les jeunes, ce dispositif aide à prévenir le risque de rupture dans le parcours d’insertion professionnelle à la sortie de l’établissement. Il n’a pas été évident de faire entendre à l’ARS la cohabitation d’un contrat d’apprentissage avec des fonds versés par l’État, toutefois le DITEP détache un éducateur spécialisé 14 heures par semaine au centre FORMAPI, où des enfants de milieu dit « ordinaire » cohabitent avec ces enfants de milieu « extraordinaire ». Le plus complexe est de rassurer ces jeunes qui vont devoir affronter 14 heures de théorie, puis de pratique, et les cumuler avec le travail chez un employeur. C’est ici qu’intervient l’éducateur spécialisé, qui connaît bien les difficultés psychiques des jeunes et assure leur accompagnement, raison pour laquelle il est possible de continuer à obtenir des fonds de l’ARS. Mme COCOZZA cite quelques éléments saillants du bilan 2022- 2023, à savoir : l’ouverture de la classe de préformation « Métiers du sport » et le développement de la formation qualifiante ; l’accompagnement d’un élève du DITEP en contrat d’apprentissage ; le déploiement d’un éducateur spécialisé du DITEP chez FORMAPI 14 h par semaine pour les apports théoriques ; le projet pédagogique du DITEP avec une diversification des sports pratiqués en classe d’EPS et une transversalité des actions ; la création des ateliers SPORT+ (Solidarité, Partage, Orientation, Réussite, Tolérance) au sein de l’Unité d’enseignement interne du DITEP Paul Mourlon ; le conventionnement avec un club sportif local pour les médiations football hebdomadaires et l’organisation du tournoi inter ITEP départemental ; l’organisation de la 3e édition du tournoi inter-ITEP départemental en partenariat avec les apprentis de FORMAPI ; enfin, la nomination d’un référent sport chez les jeunes et les adolescents. Le dispositif a également obtenu la labellisation Génération 2024, avec l’engagement du DITEP Paul Mourlon à promouvoir l’accès au sport ; l’exposition « Championnes » sur les athlètes olympiques en situation de handicap ; l’organisation de la Semaine olympique et paralympique au DITEP ; l’intervention de Mahmoud KHALDI, champion paralympique de Londres 2012, et d’Armand THOINET, athlète paralympique ; la participation à la dictée ELA et à la course ELA ; le ruban pédagogique qui favorise la découverte de sports divers en lien avec des clubs sportifs locaux. Mme COCOZZA liste également les diverses participations des élèves du DITEP à des évènements sportifs, dans le Département et à Paris. Elle présente ensuite les perspectives d’avenir, consistant à développer l’inclusion par le sport : la poursuite du conventionnement avec FORMAPI et l’accroissement du nombre d’apprentis ; la participation à la biennale de l’inclusion du Département de l’Ain en novembre 2024 ; l’organisation de la 4e édition du tournoi de football inter-ITEP départemental en partenariat avec FORMAPI, le Comité départemental de sport adapté et une association locale ; le conventionnement avec des associations sportives de secteur et développement du partenariat local ; la communication auprès des usagers, des familles et des partenaires ; un temps d’information et de sensibilisation auprès des employeurs ; l’accompagnement socio-professionnel des élèves du DITEP Paul Mourlon ; enfin, la construction d’un gymnase high-tech avec du matériel adapté. En effet, il n’y aurait pas de lignes tracées au sol comme dans les gymnases classiques mais des faisceaux de verre reliées à un ordinateur ; ce processus canadien permet de tracer diverses lignes et formes sur le terrain et les murs, permettant aux enfants de travailler leur capacité attentionnelle et leur mémoire. Un seul dispositif de ce type existe pour le moment en France, car son coût est très élevé.
Yacine OUAZZI, usager, a été le premier élève à tester la formation FORMAPI. Ses difficultés scolaires ont été repérées en maternelle et en primaire, après quoi il a été intégré en ITEP. L’ITEP Paul Mourlon a su l’aider dans ses difficultés et à identifier sa voie professionnelle : le monde du sport. M. OUAZZI a également passé le BAFA afin d’acquérir plus d’expérience dans le domaine de l’animation. Il a commencé à travailler dans des clubs de foot, accompagné par le SESSAD Pro, et a obtenu son TPEAA (titre professionnel employé administratif et d’accueil). Il prépare actuellement son bac ALT (animateur loisir tourisme) au sein de FORMAPI, en alternance avec son travail au sein du club de foot d’Ambérieu-en-Bugey. Il remercie Mme COCOZZA, M. RAPI, tous les professionnels de l’ITEP Paul Mourlon ainsi que ses proches pour leur aide et leur soutien.
Sylvain RAPI, éducateur, UPAES Vichy a accompagné M. OUAZZI pendant 5 ans. Celui-ci ne savait pas quelle voie choisir, et ses expériences positives dans l’animation ainsi que sa passion du foot l’ont amené naturellement à son projet professionnel. Bien qu’il soit porteur d’un handicap invisible, M. OUAZZI est en capacité d’encadrer des jeunes, ce qui illustre la notion d’inclusion puisqu’il est inclus dans son centre de formation et inclus dans son club de foot, ce qui est une belle réussite. Alors qu’il ne savait pas vers quel métier se tourner il y a 5 ans, il a trouvé une voie professionnelle qui lui plaît, et se donne les moyens de réussir.
Une personne du public pose une question. Elle travaille dans un SAMSAH accompagnant 60 personnes porteuses de handicap psychique. Elle a appris qu’une loi de 2017 prévoit le sport sur ordonnance, ce qui l’a amenée à découvrir les maisons sport-santé dans le Val-d’Oise. Certaines villes n’ont pas encore obtenu de financement, et les règles ne sont pas toujours les mêmes (exigence d’une ALD par exemple). Il lui semble que cette initiative reste à développer, et que ces maisons manquent de coaches de manière générale, probablement pour des raisons salariales. Toutefois, pour les personnes pouvant en bénéficier, cela peut représenter un tremplin pour se rendre ensuite dans des clubs de sport. Par ailleurs, il lui semble qu’au sein d’un EMS, un aide-soignant est en droit de créer un groupe de sport, même s’il n’est pas issu d’un métier sportif.
Isabelle CABY, maître de conférences au laboratoire SHERPAS (URePSSS) de l’université d’Artois répond qu’en effet, les maisons de santé accueillent beaucoup de personnes avec ALD. L’objectif est toutefois également de faire référencer les acteurs prenant en charge les publics spécifiques afin de créer des parcours. Il y a plus de 500 maisons sport-santé en France, et la loi de démocratisation de 2022 traite du renouvellement de leurs habilitations et de leur financement.
Justin DEBEVE, chargé de mission affaires de santé à l’ANESTAPS précise qu’il ne s’agit pas de la seule solution, mais d’un outil facilitateur. Les maisons sport-santé ne sont pas les seules moyens de coordonner les professionnels du sport et de la santé ; et c’est en créant ce type de réseau qu’il sera possible de démocratiser et de moderniser réellement l’activité physique et sportive et ainsi que l’activité sportive adaptée.
Pause active avec les étudiants de l’ANESTAPS.
Remise des prix pour les projets sportifs
Annabelle ZIMMERMANN, directrice générale de l’Entraide Union explique que l’Entraide aime s’ouvrir à d’autres initiatives et leur donner la parole. Elle a sélectionné 3 projets, auxquels un prix sera remis ce jour, ce qui sera encore l ’occasion d’entendre des témoignages sur la valorisation du sport dans le secteur social, médico-social et sanitaire. Elle précise que les prix ainsi que les cadeaux offerts par l’Entraide ont été réalisés par l’atelier 92 de l’ESAT Camille HERMANGE.
2e prix : Collaboration Special Olympics
Gladis CYRILLE, enseignante en activité physique adaptée à l’IMPro R. Lecherbonnier indique que son établissement est affilié à l’ARESSIF, qui permet de regrouper des établissements spécialisés pour l’organisation de journées sportives, et de participer à des événements sportifs organisés par Special Olympics France. L’IMPro Roger Lecherbonnier prend part à ces événements depuis plus de 20 ans et, plus récemment, aux Jeux mondiaux de Berlin 2023, où l’équipe de l’IMPro a représenté la France en hockey sur gazon et a remporté la médaille de bronze. L’objectif de cette initiative est de développer l’inclusion, le partage et la cohésion, et de mettre les usagers en situation de compétition.
Projection d’une vidéo sur les jeux nationaux de juillet 2024, remise des prix et cadeaux aux 3 personnes récompensées.
1er prix : ODA Vélo Club (Œuvres d’Avenir)
Laurent CAJAZZO, éducateur spécialisé au sein de l’EAM BERGUNION et membre du bureau du club, explique que l’ODA Vélo Club a été créé le 14 décembre 2022, dans l’objectif de permettre la pratique régulière du vélo de loisir adapté pour les personnes en situation de handicap sur tout le territoire parisien et donc de permettre l’inclusion, les rencontres, mais aussi l’ouverture des établissements vers l’extérieur.
Thierry, éducateur spécialisé, relève les avantages du vélo club, qui est d’ailleurs facile à reproduire sur le territoire. Il donne notamment l’exemple des vélos plateformes accueillant des fauteuils roulants, permettant de faire sortir des personnes qui ne quittent habituellement pas l’institution. Ces initiatives contribuent également à faire changer le regard sur les personnes en situation de handicap, qui représente parfois un réel « sur-handicap ». Son objectif serait donc de mailler l’ensemble du territoire, voire de créer un club itinérant fonctionnant avec des cotisations de différentes structures et une collectivisation des moyens. Il souligne par ailleurs que le vélo répond aux 3 aspects évoqués lors des tables rondes de ce jour : santé, inclusion et accompagnement. Il permet également l’accès à la culture, en permettant par exemple de circuler librement dans Paris.
Joël explique qu’en Île-de-France, la Région met à disposition des centres des vélos adaptés. Des formations seront également proposées aux structures, car il n’est pas évident de se déplacer en ville les premières fois avec ce type d’équipement. Outre les sorties, des séjours en nature sont également proposés dans la région. Joël donne l’exemple du tricycle assis, qui est assez facile à prendre en main et change véritablement le regard des personnes extérieures. Il souhaite développer cette activité, et notamment proposer des activités découverte auprès des centres, comme cela se fait déjà auprès d’hôpitaux ou d’autres structures.
Remise des prix et cadeaux aux personnes récompensées.
3e prix : Destination bouge ton boule !
Daley-Vanh Sounaphong n’est malheureusement pas en capacité de venir recevoir son prix. L’association Graine de Lotus travaille avec des personnes en situation de handicap psychique et de grande anxiété, afin de les aider à bouger. Il s’agit d’activité physique et non d’activité sportive à proprement parler, et l’Entraide a souhaité récompenser cette belle initiative.
Clôture
Alain GIRARD, président de l’Entraide Union informe les participants qu’il est enfin prévu de nommer une ministre déléguée au Handicap, ce dont il se félicite. Il remercie toutes les personnes ayant participé à l’organisation de cette journée ainsi que les intervenants, qui ont largement prouvé que le sport est un outil allant bien au-delà de l’inclusion. Toutes leurs contributions aideront à porter la voix du sport dans les établissements spécialisés, et au-delà.