Un regard sur le film « Personne, les oubliés du Ségur »


A l’initiative de l’association Paralysie Cérébrale France, la projection du film « Personne, les oubliés du Ségur » s’est tenue, en avant-première, le jeudi 17 Mars 2022 dans un cinéma du 13ème arrondissement Parisien. L’objectif portait sur la mise en lumière de la crise que traversent les métiers de l’accompagnement et son retentissement sur les usagers et leurs familles.

Solidaire de cette démarche, l’Entraide Union partage le constat d’invisibilité de ses salariés comme acteurs à part entière du soin et de l’accompagnement en France. Afin de relayer son investissement concernant ce défi majeur que connaît le secteur, nous vous proposons une premier regard sur ce film que vous visionnerez via ce lien.

L’enjeu de la projection du film dans le contexte des élections présidentielles

Quatre représentants de candidats ont répondu à l’invitation et se sont présentés pour participer à un débat dédié à la « crise de l’accompagnement des personnes handicapées » : Mme Samira Laal (représentante d’Anne Hidalgo), Mme Laure Lavalette (représentante de Marine Le Pen), Mme Dominique Gillot (représentante du Président Emmanuel Macron) et M. Pierre Deniziot (représentant de Valérie Pécresse).
A l’approche des élections présidentielles et avec le soutien du Collectif Handicaps1, l’enjeu consiste à mettre en avant les revendications portées par les principaux acteurs de la filière et à faire entendre les préoccupations, déjà anciennes, relatives au manque d’attractivité des secteurs sociaux et médico-sociaux.

Un titre qui traduit le besoin de considérer les métiers de l’accompagnement

L’intitulé du film, projeté en préambule des discussions, évoque de manière significative et laconique une population passée sous silence. Cette « population » représente les professionnels qui font vivre les établissements sociaux et médico-sociaux mais aussi les usagers et leurs familles impactés par cette crise de l’accompagnement.
Le titre devient alors un moyen d’éveiller l’attention du spectateur dans le but de donner de la visibilité aux métiers de l’humain. Cette « prétéritionFigure rhétorique par laquelle on attire l’attention sur une chose en déclarant n’en pas parler. » préfigure le ton donné au travail documentaire : donner la parole à un ensemble de personnes oubliées mais investis dans le champ du handicap… qu’ils soient usagers, parents, maîtresses de maison, kinésithérapeutes, aides médico-psychologiques, éducatrices spécialisées, infirmières, directeurs, restaurateurs, moniteurs d’ateliers, psychologues, chefs de de service, animateurs, professions administratives…

Le focus sur les conséquences de la crise des « métiers de l’humain »

L’idée d’un film sur la thématique de la crise des métiers de l’accompagnement prend corps lors du tournage d’une manifestation des « oubliés du Ségur2 » à Bordeaux en octobre 2021. Filmé en 2 mois, les conditions de réalisation semblent se fixer sur l’urgence des situations ressenties dans les établissements. « 20 à 30%, en moyenne, de postes du soin et de l’accompagnement sont vacants » rappelle M. Vagnoni (président de Paralysie Cérébrale France). Les associations ARIMOC, HAPOGYS et APAJH Gironde ouvrent les portes de leurs établissements et/ou dispositifs d’accompagnement pour faire valoir la parole de toutes et tous.

Le film présente ainsi une galerie de portraits où s’entremêlent des entretiens avec les professionnels, les usagers, les familles et des images d’accompagnements du quotidien (ateliers thérapeutiques et éducatifs, sorties extérieures, approche Snoezelen…). Ces séquences, qui illustrent l’investissement des acteurs, soulignent les notions de permanence des soins, de relation de confiance ou encore de l’importance des liens d’attachement. Chaque réponse aux besoins des usagers ne peut s’improviser. Or, dans un contexte de turn-over et d’absence de professionnels qualifiés, un sentiment global d’insécurité transparaît sans ambiguïté…tant pour les usagers que pour les professionnels.

L’expression d’un besoin de reconnaissance

« Personne… » présente donc l’intérêt d’aborder les conséquences du manque d’attractivité des métiers de l’accompagnement. Il invite le spectateur à une prise de conscience des difficultés que traverse le secteur et de son impact grandissant. En effet, la crainte de retours à domicile, liée à la fermeture de places, agit parfois comme une ombre damoclésienne sur les usagers et leurs familles.

Néanmoins, ce film a l’ambition de montrer des images sincères dans les relations qui se nouent entre les « acteurs ». La parole des usagers est au cœur du documentaire. Si elle met en lumière l’absence de stabilité qui règne dans les établissements, elle traduit également l’investissement des professionnels, leurs compétences et savoir-faire. Ici, on ne déplore pas tant une inadaptation des locaux ou encore des problématiques singulières liées aux pathologies des personnes accompagnées que le manque de bras, de parole et d’écoute apportés par les professionnels. Il y a ceux qui partent et ceux qui restent, il y a le ressenti des usagers qui expriment le besoin de temps pour s’adapter aux professionnels. On perçoit la nécessaire justesse technique de certains gestes (exemple de l’utilisation d’un lève-personne), le besoin de permanence des professionnels pour sécuriser les usagers, leur permettre de s’exprimer, d’effectuer un travail de socialisation… Le lien de confiance, c’est un travail qui s’effectue sur la durée et qui nécessite de la reconnaissance !

Pierre LETAPISSIER
Pôle APE, Entraide Union


Film : Personne, les oubliés du Ségur
Réalisatrices : Eva Carrette et Lorraine Reinsberger
Avant-première : jeudi 17/03/2022 au cinéma Gaumont les Fauvettes (75013)


1. Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps, contribuera notamment au mot d’accueil de la soirée
2. voir l’article à propos du Ségur de la santé